JAE
Les Journées d’Archéologie Expérimentale (ou JAE) font partie d’un projet de reconstitution historique. Claudine Brunon, >>chercheuse indépendante et >>peintre d’imageries médiévales, en est à l’origine. Elle s’appuie sur ses recherches personnelles pour ce qui concerne le vaisselier du peintre et sur ses propres essais de mise en pratique des recettes de couleurs médiévales. C’est en partenariat et porté par l’ARHPEE (Association de Reconstitution Historique du Patrimoine Ecrit Enluminé) que le projet devrait prendre forme.
Voici en consultation dès aujourd’hui, notre plaquette des JAE : flyer
Problématique : Comment les peintres faisaient-ils leurs couleurs ?
A l’heure des ordinateurs et des images virtuelles, animées ou non, nous sommes depuis longtemps dans un monde de représentation. Le culte des images est dans notre ADN. Nous avons décidé de remonter le temps jusqu’au Moyen Âge pour découvrir la manière dont étaient mises en couleurs les images de cette époque. Cette enjambée historique ne laissera pas les Geeks indifférents, à n’en point douter !
Avant l’invention du tube de peinture vers 1850, la couleur n’était pas prête à l’emploi. Le peintre devait la fabriquer ou se la faire faire par un serviteur, le broyeur de couleurs. Aujourd’hui, il n’y a guère que les spécialistes des techniques anciennes, les scientifiques, les restaurateurs de tableaux, les enlumineurs et les peintres réalistes qui connaissent l’existence des pigments historiques. On voit cependant fleurir des stages de fabrication de couleurs naturelles, notamment à partir de végétaux, que l’on peut appliquer à l’écriture et à la peinture. Tout ce qui est tiré de la Nature a le vent en poupe et un retour au terroir est à la mode. Le monde coloré ne fait pas exception. C’est dans ce cadre que s’inscrit notre projet et pour répondre à la problématique suivante : Comment les peintres faisaient-ils leurs couleurs ? Nous nous sommes tournés vers la technologie médiévale.
Si aujourd’hui, nous l’avons dit, peu de personnes ont vent de l’existence des pigments historiques, une partie encore plus infime de ces personnes s’essaient à la reconstitution de recettes originales. Et quand cela est fait, les couleurs sont fabriquées dans le laboratoire du scientifique ou bien dans la cuisine ou l’atelier du peintre contemporain. Les outils sont aussi contemporains, sauf les matières premières (minéraux, plantes, animaux, métaux …) mêmes si elles datent de notre époque, elles étaient déjà présente à l’époque. Les contenants médiévaux en sont absents. Nous ne sommes donc pas dans de réelles conditions de reconstitution historique. Or, s’approcher au plus près des conditions des processus de fabrication médiévale est fondamental pour comprendre les conditions historiques exactes dans lesquelles les peintres, les enlumineurs et les apothicaires oeuvraient. Or de nos jours, seul le résultat coloré a été pris en compte. En effet, à l’instar des laboratoires des musées qui opèrent pour une meilleure compréhension de l’œuvre d’art, ceux-ci ne se sont attachés à ne reconstituer que la couleur pour elle-même, appliquée à tel ou tel support, à telle ou telle époque. C’est déjà un travail énorme et cela constitue un grand pas pour nous faire entrer dans les ateliers d’artistes de l’Ancien Régime et porter à notre connaissance, la technique des grands peintres. Ainsi, dans leurs laboratoires, les chimistes font des analyses physico-chimiques des œuvres d’art, les comparent à des échantillons de couleurs reconstitués d’après des recettes et se créent une base de données chimiques des pigments. Chacun de ces derniers a une longueur d’onde attribuée selon la méthode d’analyse réalisée.
Notre démarche n’est pas uniquement de produire une couleur ou un pigment historique. Nous voulons identifier les gestes et les technologies qu’ont pu avoir les praticiens des couleurs médiévales. La dimension humaine, sociale est primordiale pour imaginer le fonctionnement d’un atelier de peinture et les activités de ses membres. Cette dimension sociale permet de rendre vivante une partie du processus de création d’une œuvre non seulement pour la part esthétique et chromatique qu’elle suppose mais aussi et surtout de rendre vivants des tours de mains ainsi que les hommes qui en sont les auteurs. Ainsi, pour transformer la matière première en pigments puis en couleurs nous expérimenteront le rapport contenus/contenants avec un système de cuisson médiévale. Ceci conduira à une compréhension du monde des couleurs naturelles tel qu’on le trouvait à la période médiévale.
Les solutions à la problématique
Nous avons recherché différentes solutions pour répondre à la problématique : Comment les peintres faisaient ils leurs couleurs ? Nous avons d’abord sélectionné des recettes de couleurs dont le niveau de toxicité était nul. Ensuite, nous avons réalisé des inventaires ou vaisseliers de peintres issus des traités techniques ou livres de recettes de couleurs (les réceptaires). Ces inventaires sont sous forme de listes de contenants avec leurs occurrences pour chaque source. Le but est de faire refaire ces contenants pour la fabrication de nos couleurs. Nous en avons retenu 4 types dont les formes peuvent être identifiées :
- Les oules
- Les écuelles
- Les mortiers
- Les pierres à broyer.
Confrontées à l’iconographie, ces sources écrites dressent un premier bilan incomplet. Des petits pots de peintres comme les godets par exemple sont à ajouter. L’archéologie quant à elle peut fournir d’autres éléments à utiliser lors de nos JAE. En effet, si les textes mentionnent grandement des pots sous le terme vas ou vase, leurs formes qui ne sont pas identifiables, peuvent figurer dans le vaisselier des archéologues. Ainsi, le coquemar remplace progressivement l’oule à la fin du Moyen Âge. >>Voir le flux dédié aux récipients.
Les sources écrites, nous le voyons, sont primordiales pour notre résolution du problème. Écrites en latin et en langues vernaculaires, les principaux textes ont fait l’objet de transcriptions et de traductions depuis la fin du XIXe siècle, et elles sont souvent en anglais. Les matières premières dont les auteurs médiévaux font usage, sont dans la plupart des cas déjà identifiées par les spécialistes.
Notre travail fut donc de rechercher les pigments et les colorants à fabriquer, de repérer les contenants dans lesquelles on fabriquait ces couleurs. Nous avons commencé ces recherches en 2012 et nous avons progressé lentement suivant le temps et les moyens consacrés. Le résultat est l’élaboration de plusieurs inventaires ou vaisseliers de peintres et de leur publication partielle pour le grand public spécialisé. En 2020, il nous reste encore à faire correspondre les contenants avec des modes de chauffage ou bien des tours de main à froid.